En enluminure : De vin divin en vin Sacré | De boire en savoir-boire | De vigne en port
De boire en savoir-boire : le vin est le compagnon de tous les instants
BONNES ET MAUVAISES MANIÈRES
Facta et dicta memorabilia
Valerius Maximus
Bruges 1475
The J. Paul Getty Museum, Los Angeles
Les traités de bonnes manières se diffusent à partir du XIIIe siècle. On y apprend à boire le coude collé au corps et à petites goulées (pour les femmes). Une nette distinction est faite entre la foule aux mauvaises manières qui renverse le vin sur la table et fait du bruit dans les auberges, et la société bien élevée qui connaît les règles sur la conduite qu'il convient de tenir. Cette miniature les met toutes les deux au coude-à-coude, des plébéiens de basse extraction faisant le cirque aux côtés de l'élite d'une société qui sait se tenir droite à table !
À l’époque, les dimanches étaient fort ennuyeux, l’église interdisait de travailler et les distractions intellectuelles étaient quasi inexistantes. On préférait donc se divertir au cabaret en compagnie d’autres personnes afin d’y boire du vin (ou de la cervoise). Les tavernes disposaient d’une grande salle commune garnie de tables et bancs et parfois aménageaient une chambre pour loger le voyageur épuisé (ou bien y cacher des plaisirs illégitimes).
A contrario, un buveur bien né n’attrape jamais son verre par la coupe ou la hampe mais il le tient élégamment par la base, entre les doigts. Une devinette précise même la manière de prendre le hanap par en dessous : elle parle d’un "hanap de vin que l’on tient sur ses cinq doigts". Au XVIe siècle et au-delà, la tige des verres à pied est d’ailleurs si souvent ornée de décors exubérants que nul ne pouvait plus les saisir par la hampe : la tige n’ayant pas de fonction ergonomique, elle pouvait supporter pléthore de décors.
COMPAGNON DE LA VIE QUOTIDIENNE
REPAS PAYSAN Livre du roi Modus et de la reine Ratio, 1401-1450 - BNF, Paris
COLLATION, VERRE DE VIN ACCOMPAGNE DE FRUITS Heures de Charles d'Angoulême, c. 1490 - BNF, Paris
MOIS D’AOÛT, MOISSON, CASSE-CROÛTE Heures de Claude Gouffier, c. 1545 - MN Renaissance, Ecouen
LE VIN COULEUR CITRON Tacuinum Sanitatis Vérone (?), 1380-1399 - Oesterreichische Nationalbibl., Vienne
LE VIN BLANC, UN ALIMENT Tacuinum Sanitatis XIVème siècle
NAISSANCE DE SAINT JEAN-BAPTISTE Les Très Belles Heures de Notre Dame de Jean de Berry, c. 1420 - Museo civico d'arte, Turin / 6
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"Tout à la fois boisson, prescription médicale, ingrédient de cuisine ou produit pharmaceutique, le vin est consommé en grandes quantités. Il faut reconnaître qu'à cette époque, l'eau n'est pas vraiment conseillée, car elle est souvent polluée. L'été, on consomme plutôt des vins clairs et légers, l'hiver des vins forts, et par temps de brouillard, des vins blancs doux jugés plus nourrissants. À chaque mois son vin... Et l'on ne se contente pas de boire le vin, on le prend aussi en fumigation, en gargarisme, en instillation, en onction ou en application" (source : Inrap). Le vin est également apprécié pour ses vertus prophylactiques.
6. Comme dans le tableau de Ghirlandaio traitant du même sujet, "le vin des accouchées" est servi à Elisabeth, la mère de Jean-Baptiste, afin de l'aider à se relever de ses couches.
COMPAGNON DE LA VIE SOCIALE
BOIRE DU VIN BLANC DANS UNE TAVERNE Tacuinum Sanitatis - Österreichischen Nationalbibl., Vienne
DEVANT LA PORTE D'UNE TAVERNE Tacuinum Sanitatis, Lombardie, 1395 - BNF, Paris
BOIRE DU VIN ROUGE DANS UNE TAVERNE Tacuinum Sanitatis, 1445 - BNF, Paris
LE SERVICE Histoire de Renaud de Montauban, 1470 - Arsenal, Paris
BANQUET AVEC DES COURTISANES DANS UNE AUBERGE Faits et dits mémorables, c. 1455 - BNF, Paris
TABLÉE BOURGUIGNONNE Valère Maxime, 1420-1450 - Staatsbibliothek, Berlin
ÉTUVÉ, PLAISIRS EN COUPLE Valère Maxime / 7
LES ÉTUVES, BAINS PUBLICS Faits et dits mémorables, BNF, Paris / 8
BAIN, REPAS ET A BOIRE DANS LA CHAMBRE A COUCHER Manuscrit de Valère Maxime - BNF, Paris / 9
TRISTAN ET ISEULT BUVANT LE PHILTRE D'AMOUR Lancelot du lac, de Gautier Map, 1470 - BNF, Paris / 10
FESTIN D'ASSUERUS Guiard des Moulins, Bible historiale - BNF, Paris
FÊTE ROYALE EN L'HONNEUR DU ROI RICHARD II Fin du XVème siècle - British Library, Londres
LE BANQUET DE NOCES Histoire d'Olivier de Castille et d'Artus d'Algarbes - BNF, Paris
LES TRÈS RICHES HEURES DU DUC DE BERRY, JANVIER Frères de Limbourg, 1412-1416 - Mus. Condé, Chantilly
IOBAS OFFRANT DU VIN EMPOISONNE A ALEXANDRE EN TRAIN DE FESTOYER Rouen, Suiv. du Maître de Beauford - British Library
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1 à 3. Le Tacuinum Sanitatis est un manuel médiéval principalement sur la santé, basé sur le Taqwīm as siḥḥah (« Maintien de la santé »), un traité médical arabe du XIe siècle par Ibn Butlan de Bagdad. Destiné à un public profane cultivé, le texte existe en plusieurs variantes latines, dont les manuscrits sont abondamment illustrés (300 images). Bien que décrivant en détail les propriétés bénéfiques et nocives des aliments et des plantes, c’est bien plus qu’une plante médicinale. Énumérant son contenu de manière organique plutôt qu’alphabétique, il expose les éléments essentiels au bien-être : une nourriture et des boissons suffisantes avec modération, l’air frais, les alternances d’activité et de repos, les alternances de sommeil et d’éveil, les sécrétions et excrétions d’humeurs, et enfin les effets des états d’esprit. Tacuinum Sanitatis dit que les maladies résultent d’un déséquilibre de ces éléments. Le Tacuinum était très populaire en Europe occidentale à la fin du Moyen Âge.
7 à 9. Les bains publics au Moyen-Âge sont des lieux de plaisir : ils sont mixtes et l'on s'y baigne nus. Les baignoires sont suffisamment grandes pour accueillir plusieurs personnes. On s'y rend pour se laver, se détendre, manger, se faire raser, soigner, masser... et plus si affinités : la prostitution y est tolérée. Des lits sont installés pour « se reposer ». Les débordements moraux finissent par inquiéter les autorités : à partir du XVe siècle, peu à peu, on règlemente sur les étuves "On oyait crier, hutiner, saulter, tellement qu'on était étonné que les voisins le souffrissent, la justice le dissimulât, et la terre le supportât." Il s'agit d'un des témoignages au procès de Jeanne Saignant, maîtresse d'étuves, condamnée à mort par noyade en 1466 pour les troubles à l'ordre public constatés dans son établissement (source : MHEU, Musée historique de l'environnement urbain).
10. Avec Tristan et Iseut, nous nous éloignons des rives des turpitudes et de l'amour tarifé. "L’histoire des amants de Bretagne, Tristan et Iseut, a connu dès le Moyen Âge un succès extraordinaire et a donné naissance dès le XIIe siècle à l’un des mythes fondateurs de l’Occident. Histoire d’amour et de mort, elle exalte la passion contrariée de deux jeunes gens qui, ne pouvant s’aimer de leur vivant, se rejoignent dans la mort... Blanchefleur, la sœur de Marc, roi de Cornouailles, épouse le roi de Lonnois en Bretagne continentale. En apprenant la mort de son mari, elle meurt en mettant au monde un jeune enfant qui sera nommé Tristan. Elevé par Governal, celui-ci rejoint la cour du roi Marc. Or le royaume de Cornouailles est à cette époque assujetti à une coutume ancienne : payer chaque année un tribut de jeunes gens à un géant d’Irlande, le Morholt. Tristan défie et tue ce géant, mais blessé est soigné par la fille du roi d’Irlande, Iseut, grâce à des herbes. Quant au roi Marc, pressé de se marier par ses barons, il veut épouser la jeune fille dont un cheveu d’or a été apporté par une hirondelle. Tristan retourne en Irlande à la recherche de cette jeune fille et tue un dragon qui menace le pays. Blessé, il est à nouveau soigné par Iseut, qui se révèle être la jeune fille à qui appartient le cheveu d’or. Tristan la ramène en bateau vers la Cornouailles afin de la conduire à son oncle Marc. Sur le bateau qui les ramène en Cornouailles, Tristan et Iseut accablés par la chaleur boivent d’un "vin herbé" préparé par la mère d’Iseut et destiné au roi Marc pour qu’il soit amoureux de sa femme. C’est ainsi que les jeunes gens, après avoir bu ce philtre d'amour qui ne leur était pas destiné, vont être envahis par une passion irrésistible l’un pour l’autre. Que le philtre préparé pour trois ans cesse d’agir au bout de ce laps de temps et que la reine Iseut rejoint alors son mari, le roi Marc ; ou que la durée philtre soit illimitée (il y a plusieurs versions), dans tous les cas tout se passe comme si Tristan et Iseut s’aimaient toujours d’un amour profond et devaient se cacher." (BNF)
VIN DE L'IVRESSE
IVRESSE ET BAGARRE Tacuinum Sanitatis, c. 1390 - BNF, Paris
L'IVRESSE AU FÉMININ Couvin, Les Trois Dames de Paris, c. 1325 - L'Arsenal, Paris
UN VOMISSEMENT THÉRAPEUTIQUE Tacuinum Sanitatis, c. 1445 - BNF, Paris
IVROGNES DANS UNE TAVERNE Fin XIVe - British Library, Londres / 4
LÉGENDE DU MOINE IVRE ATTAQUE PAR LE DIABLE Les Miracles de Notre-Dame, les vies des Pères - La Haye / 5
LE PÉCHÉ DE GLOUTONNERIE Livre d'Heures, c. 1475 - Poitiers
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4. Même si l’ivrogne était montré du doigt, son péché restait bénin dès lors que le saoulard avait simplement sous-estimé sa résistance à la boisson. Le péché devenait mortel si ce dernier était coupable d'enivrement invétéré, passant son temps à la taverne en s’y ruinant, condamnant de ce fait sa propre famille à la misère. Malgré la réalité sociale de l’époque, les moralistes s’évertuaient à considérer la taverne comme l’antichambre de l’enfer et la considéraient comme un véritable lieu de perdition. Au XVème siècle, Paris compte plus de deux cents tavernes : « Si vous regardez la maison de pierre qui se dresse sur la place du marché et que votre œil soit attiré par un visage rubicond à l’intérieur, les camarades vous crient : « c’est une agréable auberge ici… » (…) Les compères vident des bouteilles entières (…). Ils sortent de la taverne en titubant, tombent dans les fossés pleins de cresson… (Recueil de Carmina Burana).
5. Michel Pastoureau nous indique que l'ours fut considéré comme le roi des animaux partout en Europe jusqu'au XIIe siècle, avant sa diabolisation par les autorités chrétiennes qui installèrent le lion sur le trône animal à sa place. Il s'agissait de lutter contre les pratiques païennes associées à l'ours, mais aussi pour effacer un animal qui "se posait en rival du Christ". De nombreux théologiens s'inspirèrent de Saint Augustin et de Pline l'Ancien pour en dresser un portrait diabolique et le dévaloriser. Ainsi associé au diable, l'ours devint son animal favori ou l'une de ses formes. Dans l'iconographie chrétienne, le diable possède souvent les pieds, le mufle et le pelage d'un ours, et prend la forme de l'animal dans les rêves des saints, des rois et des moines. L'apparence velue et sa couleur brune devinrent un signe de bestialité diabolique et l'animal se vit chargé de péchés capitaux tels que l'intempérance, la tromperie, la luxure, la colère, l'envie et la paresse.
VIN DU SAVOIR-BOIRE
DÉGUSTATION DU VIN NOUVEAU Tacuinum sanitatis, 1390 - BNF, Paris
DÉGUSTATION DE VIEUX VINS AROMATIQUES DE LA VALLÉE DU RHIN Tacuinum Sanitatis, 1445 - BnF, Paris / 2
DÉGUSTATION MÉDIÉVALE Heures de la reine Yolande, c. 1460 - Bibl. Méjannes, Aix
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2. "La taverne est le lieu de la sociabilité médiévale par excellence. Là se scellent les contrats, les accords commerciaux ; là se diffusent les nouvelles. L'on boit beaucoup de vin, au Moyen Âge. Si le vin blanc passe pour mieux convenir aux personnes âgées, le vin rouge n'est pas interdit aux jeunes et aux enfants ; les médecins leur interdisent en revanche la consommation de vins vieux fruités (plus chargés en alcool), "nocifs pour les sens et la mémoire des enfants" (Source : BnF).
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