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Le vin fait partie de la vie familiale de toutes les classes sociales

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LE DÉJEUNER

Gustave Caillebotte (1848-1894) 

1876

Collection particulière

 

 

 

Avec ce tableau de Caillebotte, nous sommes invités à entrer dans l’intimité d’une grande famille parisienne et à plonger dans la nouvelle vie citadine qui s’installe à l’aube du XXe siècle. Cette intimité passe aussi par la table. Dans la salle à manger de leur hôtel particulier, rue de Mirosmesnil, la mère du peintre, Madame Martial Caillebotte et son frère René prennent leur repas, servi par leur majordome. Madame Caillebotte porte encore le deuil de son mari disparu il y a moins de deux ans. Dans un savant jeu d'ombres et de lumières, les trois personnages vus à contre-jour, émergent à peine de la pénombre tandis que scintillent les cristaux du service de table.

Il s'agit du service Harcourt, dont la forme originelle a été créée par la maison Baccarat en 1841 et qui est encore vendu aujourd'hui pour parer les plus grandes tables (plus de dix mille exemplaires par an). Les carafes jettent une resplendissante lumière dans cette salle à manger sombre de ce nouveau Paris haussmanien. Les personnages y semblent indifférents les uns aux autres et dégagent un profond ennui, sinon une grande solitude. Le vin est bien sûr carafé, il ne saurait en être autrement chez des grand bourgeois de l'époque. En revanche, il y a une bouteille près d'une des corbeilles de fruits, celle à la droite de Madame Caillebotte. Il s'agit probablement d'un muscat "maison" qui provient sans doute d'une connaissance proche et dont on se sert soi-même sans façon. Rien de tel pour accompagner les fruits ou un dessert, même si cette pratique a aujourd'hui presque disparu.

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1. Du XVIIe à la première moitié du XXe siècle, le vin devient un acteur clef des repas pris en famille. Il est partie prenante de ce repas de paysans. Velázquez pratiquait déjà la scène de genre, mais il démontre là qu'il est possible d’y introduire des objets du quotidien. Dans cette toile (dont il existe une autre version à l’Ermitage de Saint-Pétersbourg), les figures humaines ne sont guère plus importantes que la nature morte. Certes, un superbe savoir-faire est montré dans la peinture des lèvres pleines et écartées du jeune homme, les yeux du vieil homme écoutant l’histoire et son léger mouvement vers le verre, et l’expression sur le visage de la femme versant le vin, se concentrant de peur qu’une seule goutte ne soit renversée. Néanmoins, la partie la plus frappante de la composition est la "nature morte" disposée sur la nappe blanche. Tous ces objets ont une véritable qualité picturale, une vigueur qui s’apparente à la vie elle-même. Cette combinaison de conversation et de nature morte est connue en Espagne sous le nom de "bodegon" (Source: Web Gallery of Art).

 

2. Le Repas de paysans des Frères Le Nain nous plonge dans le monde rural. À l’arrière-plan, le lit à baldaquin, à droite, et la fenêtre vitrée, au centre, évoquent l’intérieur d’un paysan relativement aisé du XVIIe siècle. L'austérité de la représentation renvoie à la vertu des mœurs les plus simples : le repas est magnifié par la présence des éléments symboliques que sont le pain et le vin, rappel discret de l’importance du sacré dans le monde quotidien. C’est un jour de fête (religieuse), on a fait venir un violoneux. Le Grand siècle est le « Siècle des saints ». Quelques objets usuels se détachent : un pot en grès, une écuelle en étain, un couteau ; contrastant avec cette vaisselle usuelle, les verres à pied semblent avoir été sortis pour l’occasion.

 

4. Le peintre hollandais Pieter De Hooch représenta surtout les intérieurs du siècle d'or et des personnages essentiellement féminins. La représentation d’un intérieur paisible était alors populaire : la Guerre de Quatre-Vingts Ans (1568-1648) venait juste de prendre fin et l’on aspirait à la paix et à la tranquillité. En peignant des femmes au travail, Pieter De Hooch a idéalisé la vie domestique hollandaise, les vertus simples, la gestion ménagère efficace et la bonne éducation des enfants. Avec Une Femme et un enfant à l'office, il nous fait pénétrer dans une maison bourgeoise de Delft. La mère revient du cellier et tend à son enfant un pichet de vin en grès émaillé fabriqué en Allemagne. La faïence de Delft est encore toute nouvelle et la bouteille ne se généralisera qu’au XVIIIème.

6. Quatre-vingts ans plus tard, revenant du marché, une servante dite La Pourvoyeuse apporte les provisions de la journée. Son bras, fatigué du poids des grosses miches, s’attarde sur le buffet où elle les dépose. Sérieuse, elle a le visage placide, les gestes lents des figures de Le Nain, même si la composition reprend les structures des peintres de l'école hollandaise.

Selon certains, le décor serait la représentation de l'appartement de Chardin rue du Four à Paris. Il s’attendrit de la gravité un peu lasse de sa pourvoyeuse, il est respectueux de la massive importance des pains, des humbles objets culinaires et des bouteilles.

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1. Alors que l’impressionnisme naître officiellement six ans plus tard en 1874 avec Impression Soleil levant de Claude Monet, celui-ci nous brosse avec Le Repas un portrait de sa propre famille. Les Monet viennent de quitter une auberge, chez les Dumont, à Bennecourt, à trois kilomètres de Giverny, et dont ils n'arrivaient plus à payer le séjour. Ils viennent de s'établir à Etretat, séjour au cours duquel ils connaissent, temporairement, une accalmie dans leurs dettes grâce à quelques ventes. Cette œuvre mineure a le mérite de nous montrer avec le plus grand réalisme comment pouvait se dérouler un repas. Un petit vin sans prétention y fait partie de l’ordinaire.

 

4. John Singer Sargent nous fait changer totalement de décor avec Le dîner du soir ou Le verre de porto. Nous sommes dans le Sussex, chez les Vickers, une dynastie de métallurgistes anglais, de maîtres des forges. Chez ces grands bourgeois, il est de coutume de prendre un porto à la fin du repas. La gentry a pour habitude de le boire "carafé", quel que soit son âge, comme elle le fait avec le "claret", un bordeaux rouge, à la robe noire, un vin plutôt astringent de longue cuvaison issu des meilleurs crus. La carafe de cristal sera pendant longtemps un marqueur social en Angleterre comme en France : elle fait partie de l’art de la table, même dans l’intimité (cf. également ci-dessus Le Déjeuner de Gustave Caillebotte).

5. Dans La Salle à manger, Opus 152 de Signac, nous entrons une nouvelle fois dans l'intimité familiale d'un artiste avec, autour de la table, sa mère qui porte le deuil de son mari (décédé alors que Signac était encore très jeune) et, au premier plan, son grand-père chez qui vit sa mère. C'est un ancien commerçant qui a acquis un peu de bien et qui, visiblement, aime se donner des airs de respectabilité, mais avec quelques fausses notes : si la carafe trône sur la table , son cigare s'impose à tous, tout comme sa calotte. S'il manque de manières, est-il pour autant un parvenu ?

6. La Famille Soler de Pablo Picasso est réunie pour un pique-nique au retour de la chasse. Sans le sou, le jeune Picasso propose à son tailleur, Benet Soler, d'échanger ses peintures contre des costumes neufs. En 1901, Picasso, en attente de reconnaissance, a déjà troqué deux dessins avec le tailleur, mais ce portrait de famille est cette fois de très grande dimension. Picasso ne fit jamais poser les Soler à l’atelier, choisissant de s’inspirer d’une photographie de studio représentant toute la famille, avec leur chien. Le vin, bien sûr, comme dans d’autres déjeuners sur l’herbe, est de la partie.

7. Édouard Vuillard a vécu chez sa mère toute sa vie jusqu’à la mort de cette dernière trente-cinq ans plus tard. C’est probablement chez elle que l’après-repas s’éternisait autour de la table, à peine desservie. On discutait, se remémorant de vieux souvenirs communs. Il régnait une douce atmosphère et une intimité qu’entretenait sans excès le vin, même si ce n’était pas un vin fin. Cela pouvait durer plusieurs heures.

 

12. Desserte rouge d'Henri Matisse nous emmène aux antipodes. Cette fameuse carafe, nous la retrouvons, en plusieurs exemplaires. Avec la domestique, elle est un élément du décor, une fois de plus le signe d’une certaine classe sociale pour laquelle il est d’usage de ne pas rester à table pour prendre le café : on passe au salon, sinon au fumoir, pendant que le personnel dessert.

13. Le Portrait de famille d'Auguste Chabaud est dans la même veine que La Famille après de repas d'Edouard Vuillard.

23. Bonnard aime contrarier les lois du couple couleur-lumière, utilisant le bleu pour la lumière et un ton chaud pour l'ombre.

 

 

24. Au-delà des formalismes, Gen Paul puise tout simplement son inspiration dans la vie quotidienne de la Butte Montmartre dont il fut l'enfant et le citoyen. Un homme et une femme sont attablés devant les témoins d'un déjeuner bien pourvu : verres pleins ou vidés, assiettes aux reliefs, couverts, paquets de cigarettes. Toutes ces touches colorées communiquent une indéniable joie de vivre à l'ensemble ; à laquelle le vin n'est sans doute pas étranger (D'après : La Gazette Drouot, 15 décembre 2017).

LES APPARENCES PEUVENT ÊTRE TROMPEUSES

Cals Le Dejeuner a Honflur, 1875 Orsay alt.jpg

Le déjeuner à Honfleur d’Adolphe Félix Cals (1875, Musée d’Orsay) a lieu sur les hauteurs, à la ferme Saint-Siméon, à l’ombre des pommiers. On y trouvait le gîte et le couvert pour un prix très modeste. On y servait du cidre, une production maison, et non pas du vin comme dans la plupart des établissements de ce type (cf. Le Repas, de Monet). 


La ferme Saint-Siméon était connue de longue date de tous les pêcheurs honfleurais. Eugène Boudin, le « Roi des ciels », lui-même né à Honfleur, et habitant Le Havre, prend l'habitude d’y venir. Il y entraîne de nombreux peintres parisiens et normands, tous attirés par la vue sur la baie de Seine et la douceur incomparable de sa lumière (et souvent désargentés) : Courbet, Sisley, Jongkind, …. Monet écrira à Bazille : « Tous les jours, je découvre des choses encore plus belles, c’est à en devenir fou ! Tellement j’ai envie de tout faire... La tête m’en pète ! Je suis bien content de mon séjour ici, quoique mes études soient loin de ce que je voudrais... On est admirablement, à Saint-Siméon ! » 

LE VIN DES ARTS : LES OBJETS D'ART, LA PHOTOGRAPHIE ET LES ARTS GRAPHIQUES 

Compagnon des Muses, le vin est à la croisée des arts, que ce soit, par exemple, la littérature, la musique, les arts décoratifs ou les arts plastiques. Dans tous les cas, le vin est un témoin irremplaçable de notre histoire sociale et culturelle. Si à ce jour, le MVV Musée Virtuel du Vin est principalement consacré à la peinture, quelques exemples puisés dans d’autres formes artistiques nous permettent également de l’illustrer, de "le voir". Ces quelques exemples traitent du même thème que cette galerie de peinture : une Carafe en argent du XVIIème siècle, un Verre à vin du XIXe ; la photographie d'un vigneron faisant Chabrot en Ardèche ; et une gravure Le Repas frugal par Picasso ;

 

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LE VIN COMPAGNON DE LA VIE QUOTIDIENNE, LES GALERIES

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