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Dionysos et ses compagnons, le cortège triomphal

LE CORTEGE TRIOMPHAL DE BACCHUS, Maerten van Heemskerck, 1537/38 - Kunsthistorisches Museum, Vienne, Autriche

LE CORTEGE TRIOMPHAL DE BACCHUS 

Maerten van Heemskerck (1462-1522)

1537-1538
Kunsthistorisches Museum, Vienne

 

 

 

 

Poursuivi par sa femme, Zeus emmena Dionysos loin de Grèce, en pays de Nisa. Il le confia aux nymphes qui l’élevèrent. Adulte, Dionysos découvrit la vigne, mais poursuivi par Héra, il fut frappé de folie. Il erra en Égypte et en Syrie, et remonta les côtes de l’Asie jusqu’en Phrygie où la déesse Cybèle l’accueillit. Elle le purifia, l’initia à ses mystères et le délivra de cette folie. Arrivé en Thrace, le roi régnant Lycurgue se montra hostile à sa venue et tenta de le faire prisonnier.

Dionysos réussit à s’échapper chez Thétis, la Néréide, qui lui offrit l’asile dans la mer. Lycurgue captura les Bacchantes qui l’escortaient. Elles furent miraculeusement sauvées et Lycurgue fut frappé de folie. Il se coupa la jambe et tailla son fils à coups de hache, croyant abattre de la vigne, plante sacrée de Dionysos, son ennemi. Lorsqu’il revint à lui, il se rendit compte de son geste et sa terre était frappée de stérilité. L’Oracle révéla que seule la mort de Lycurgue calmerait la colère du dieu. Il fut écartelé par quatre chevaux. Dionysos quitta ensuite la Thrace pour gagner l’Inde. Il soumet le territoire lors d’une conquête armée enchanteresse. Cet épisode donne l’origine du cortège triomphal, un char attelé par des panthères et orné de pampres et de lierre, accompagné de Silène et autre satyres, des centaures, des Ménades.

 

 "Tu fais peser un double joug sur le cou des lynx, paré de rênes aux vives couleurs ; à ta suite marchent les Bacchantes, les satyres et le vieillard aviné dont une tige de férule soutient les membres titubants et qui a peine à se tenir sur le dos voûté de son âne. Partout où tu vas retentissent les cris des jeunes gens, les voix des femmes, les tambourins qu'on frappe de la paume, les bronzes concaves (= les cymbales) et les flûtes de buis au long tuyau." (Ovide, Les Métamorphoses, IV, v. 24-30).

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1. Le recueil biographique Vies des peintres, sculpteurs et architectes (1550 et 1568) du peintre Giorgio Vasari, première histoire générale de l'art moderne produite en Europe, est souvent considéré comme une des publications fondatrices de l'histoire de l'art, bien que partisane "en cherchant à établir la primaute de l'art toscan" (Daniel Arasse, L'Homme en perspective - Les primitifs d'Italie, Paris, Hazan, 2008). Aussi Vasari n'a-t-il pas omis de nous vanter les mérites de Garofalo : "Benvenuto obtint un tel succès à Ferrare, qu’il exécuta d’innombrables tableaux pour les habitants de la ville, pour les monastères, et pour les châteaux et les villas des environs... [En 1531, à l'âge de cinquante ans], il tomba gravement malade et resta privé de l’œil droit : il était même en danger de perdre l’autre lorsqu’il se recommanda à Dieu et fit vœu de ne plus s’habiller que de gris. Sa prière fut exaucée, et il conserva son œil en si bon état, qu’à l’âge de soixante-cinq ans il faisait encore des tableaux d’un fini merveilleux. Un jour, le duc de Ferrare ayant montré au pape Paul III un Triomphe de Bacchus et la Calomnie d’Apelles, que Benvenuto avait peints à l’huile d’après les dessins de Raphaël, Sa Sainteté put à peine croire qu’un vieillard borgne fût l’auteur de ces grands et beaux morceaux" (tome 8).

 

Dans cette peinture de grand format (218 x 313 cm), Garofalo célèbre le vin, la musique et l'amour. Bacchus sur son char, avec son épouse Ariane à ses côtés, observe avec attention le spectacle donné par un Silène ivre qui ne tient plus debout. Lui serait tendue une coupe d'eau claire, invitation à modérer ses habitudes à couper son vin d'eau, comme le faisait fréquemment dans l'Antiquité les Grecs et les Romains (Source : Philippe Morel, Renaissance dionysiaque, Editionq du Félin, 2014).

 

2. Bacchus est assis sur un grand tonneau de vin tiré par deux panthères hargneuses. L'entourage de Bacchus forme une procession joyeuse et tapageuse et "s'envoie" force vin. A droite, il semble que l'on peut voir vomir un satyre. Derrière lui, un chevalier en armure et un vieil homme est accablé par la maladie: il a la goutte. Manifestement, le peintre veut nous mettre en garde contre les effets néfaste de la boisson: la guerre et la maladie sont à l'affut (Source : Mauritshuis).

3. Bacchus entraîne son entourage de personnages mythologiques dans un retour triomphal des victoires remportées aux Indes. Un dieu du fleuve, symbolisant le fleuve Indus et le sous-continent indien, se prélasse au premier plan en bas à droite (Source : Nelson Museum). Une ménade à cheval est vêtue d'une peau de léopard, témoignage également de l'origine orientale du voyage. Silène brandit un cep de vigne. Si Bacchus tient un thyrse, un de ses attibuts traditionnels, il est en revanche vêtu d'un manteau rouge caractéristique des généraux et des empereurs romains portés en triomphe (Source : Philippe Morel, Renaissance dionysiaque, Editions du Félin, 2014).

SILÈNE, SATYRE, PÈRE ADOPTIF ET PRÉCEPTEUR DE DIONYSOS

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Si Silène accompagne sans cesse Dionysos, dont il est le père adoptif et le précepteur, il est en outre le dieu personnifiant l'Ivresse, assez proche en ce sens de deux autres divinités mineures faisant l'une et l'autre partie du cortège de Dionysos, Comos (la bonne Chère) et Coros (la Satiété), qu'Hérodote fait naître d'Hybris (la Démesure). À partir de la Renaissance, le thème de Silène est régulièrement repris. Il est traditionnellement représenté comme un vieillard bedonnant et joyeux, laid, lubrique, rendu grotesque par son ivresse. Silène est également « un nom générique des satyres devenus vieux » (Pierre Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine).

1. Au centre, Silène tente, sans descendre de son âne, de se fournir en miel dans un arbre creux. Il est alors attaqué par des abeilles. A gauche, il est soigné avec du jus de mûres. A droite, il est péniblement remis sur pieds.

2. Silène, satyre ayant l'aspect d'un humain obèse, est allongé sur le sol, le dos légèrement surélevé. Sa tête est soutenue par les mains de son père, le dieu Pan.

SATYRES

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Les satyres sont des créatures ambivalentes, mi-homme, mi-bouc, qui vivaient en pleine nature. Associés aux Ménades, ils forment le « cortège dionysiaque » qui accompagne Dionysos. Ils peuvent aussi s'associer au dieu Pan. Ils fréquentent volontiers les nymphes, divinités mineures caractérisées par leur jeunesse et leur beauté. Elles peuplent la plupart des lieux : forêts et bois, vallées fertiles et bocages, sources et rivières, montagnes et grottes, etc. Elles sont souvent associées à d'autres divinités dont elles accompagnent le cortège, comme avec Dionysos.

MÉNADES / BACCHANTES ANTIQUES

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Les Ménades sont les suivantes de Dionysos et l’accompagnent dans ses périples, notamment son voyage vers l’Inde. Suivantes, elles ne sont pas des prêtresses mais elles tiennent une place importante dans la religion et le culte. Elles participent aux mystères et fêtes en l’honneur du dieu. Elles sont vêtues de peaux de lion, la poitrine dénudée, elles portent le thyrse, lance entourée de lierre. Personnifiant les esprits orgiaques de la nature, elles se livrent à des danses frénétiques qui les plongent dans une extase mystique. Certains héros furent victimes de leur force prodigieuse. Les Bacchantes (nom romain des ménades) se conduisent comme des bêtes sauvages et féroces.

CENTAURES

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Les centaures sont parfois présentés comme des créatures mi-homme, mi-cheval. Ils font également partie du cortège dionysiaque et symbolisaient pour les Grecs les appétits animaux (concupiscence et ivresse). Leur combat contre les Lapithes peut ainsi se lire comme une parabole de l'affrontement des états civilisés et sauvages.

1 à 3. Pirithoos épousa Hippodamie et invita les dieux de l'Olympe à son mariage. Comme il était venu  plus de convives que le palais n'en pouvait contenir, ses cousins les Centaures, ainsi que Nestor, Caenée et d'autres princes thessaliens avaient été installés dans une caverne voisine, bien fraîche et ombragée. Mais les Centaures n'avaient pas l'habitude du vin et, lorsqu'ils eurent senti son odeur, ils repoussèrent le lait caillé qu'on avait posé devant eux et coururent emplir leurs cornes d'argent aux outres de vin... Dans leur ignorance, ils avalèrent d'un seul trait le fort breuvage sans le couper d'eau et devinrent tellement ivres que, lorsque la mariée arriva, suivie de son cortège, dans la caverne pour les saluer, Eurytion sauta de son siège, renversa la table et, la prenant par les cheveux, l'entraîna de force. Aussitôt, les autres Centaures suivant leur exemple, se jetèrent sur les femmes et les jeunes garçons en essayant de les violer. Pirithoos suivi de Thésée, s'élança au secours d'Hippodamie, coupa le nez et les oreilles d'Eurytion, et, avec l'aide des Lapithes, il le jeta hors de la caverne. La bataille qui s'ensuivit, et au cours de laquelle Caenée le Lapithe fut tué, dura jusqu'à la nuit. C'est ainsi que commença la longue guerre qui opposa les Centaures à leurs voisins les Lapithes qui voulaient se venger de l'affront qui leur avait été fait.

LES APPARENCES PEUVENT ÊTRE TROMPEUSES

BACCHANTE, André Lhote, 1912  Musée des Beaux-arts, Bordeaux

BACCHANTE, André Lhote, 1912 - Musée des Beaux-arts, Bordeaux

La figure mythologique de la Bacchante a ressurgi dans l’art au XIXe siècle et au début du XXe siècle. Au début, ce sont les personnages du cortège bachique (le thiase) qui retiennent l’attention des artistes. La Bacchante (ou Ménade), prêtresse de Bacchus (ou de Dionysos), a des attributs précis : une peau d’animal sauvage (le plus souvent la panthère), une coupe de vin, une couronne de lierre ou de pampres et un thyrse. La bacchante du XIXe, au service du dieu du vin, est de chair ; elle obéit à ses pulsions et fait preuve d’une sensualité sauvage, offrant aux artistes la possibilité d’une nudité extatique, équivoque, voire licencieuse. Progressivement, les peintres et les sculpteurs utiliseront de plus en plus le mythe comme prétexte pour montrer l’érotisme de corps qui se cabrent et se cambrent. La bacchante perd ses attributs mythologiques, elle n’est plus qu’une femme nue, libérée de toute contrainte. En revanche, l’idée de l’ivresse et de la sensualité est gardée (source : La Tribune de l'art).

La Bacchante d'André Lhote est une femme totalement dénudée et charnue, aux rondeurs généreuses. Dans un état d'abandon et la pose lascive, elle mange du raisin pour chanter Bacchus, le tout dans un cadre champêtre. Elle célèbre avec sensualité les plaisirs de la vie. Rodin réalise sur le même motif des dessins érotiques de modèles qui s’exhibent sans pudeur ; c’est après qu’il décide de les intituler "Bacchante". Il est vraisemblable que ce fut également le cas pour celle de Lhote. Accessoirement, cela permettait d’atténuer les foudres des ligues de vertu, combien nombreuses à l'époque. Le titre prête donc à confusion : cette bacchante moderne est bien loin de la bacchante antique, même si l'on veut bien admettre la présence du vin par le truchement du raisin.

LE NECTAR DES DIEUX, LES GALERIES

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